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Jauge Internationale
6mJI MAC-MICH
plan Talma Bertrand 1912
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mise à jour le 07/09/2017
Les exploits de l'équipage aux Jeux Olympiques de 1912 à Stockholm, tels que racontés par Gaston THUBÉ dans le n° 14 du Cahier des Salorges
MAC-MICH était un bateau nantais, patronné par un nantais avec un équipage nantais. Le patron était Gaston THUBÉ, les matelots ses frères Jacques et Amédée.

Le dimanche 6 juin, vers quatre heures du soir, alors que MAC-MICH sur la rade tranquille de Trentemoult les Nantes, se reposait d'une de ces bonnes régates humides et venteuses de l'été 1912, son équipage, après une délibération en règle, décidait de le présenter aux jeux olympiques de Stockholm.
MAC-MICH, 6 mètre de jauge internationale mesurait 9 mètres 70 de long pour 1 mètre 74 de bau. En plus des jeux olympiques de 1912 il gagna de nombreuses régates dont le championnat de France en 1913 à Arcachon. C'était un plan de l'architecte naval Talma BERTRAND
Une fois la décision prise, il était prudent d'en marquer le caractère irrévocable par un commencement d'exécution. Une heure après, MAC-MICH était démâté. Le lendemain, il était chargé sur un wagon pour la PALLICE d'où, quelques jours plus tard il partait, convenablement arrimé sur le pont du S/S PREGEL, pour Copenhague.
L'équipier d'avant, Amédée THUBÉ, rejoignit MAC-MICH à Copenhague le 29 juin et prenait possession de ses fonctions qui devaient le retenir pendant plus d'un mois.
Sans la moindre égratignure, MAC-MICH débarquait le 4 juillet dans la capitale suédoise, toute bruyante de la foule internationale accourue pour les jeux olympiques. Amédée n'hésitait pas à voir dans ce voyage sans accroc un heureux présage pour les luttes futures.

Le 12 juillet, le patron, Gaston THUBÉ, ralliait à son tour. Amédée commençait à se morfondre seul, non pas cependant que la besogne lui eut manqué : recherche d'un constructeur, mise à terre, toilette complète, achèvement de la mise au point des voilures. Il obtint un témoignage de satisfaction : MAC-MICH paraissait en forme et nous valait des compliments de Monsieur HOLTERMANN président, et de Monsieur BOVIN secrétaire du "Kungl Svenska Sallskapet", qui ne cessèrent durant notre séjour de nous prodiguer, avec la plus aimable complaisance, les conseils qui pouvaient nous être utiles.
Le K.S.S.S. possède à Stockholm, dans l'île de Kastellholman, à proximité du centre de la ville, un confortable et pittoresque pavillon au pied duquel les yachts sont mouillés. La charmante promenade plantée de beaux arbres qui y conduit rendait fort agréables nos fréquentes allées et venues sous le ciel imperturbablement bleu dont ces fêtes ont été favorisées.
Le 14 juillet, MAC-MICH arborait le grand pavois.
A vrai dire, Stockholm, à ce moment, s'occupait encore fort peu des prochaines joutes nautiques. Son attention se concentrait sur le stadium où achevaient de se dérouler les différents concours de ce mémorable tournoi.
L'équipage de MAC-MICH n'échappait pas à l'entraînement général et, s'adjugeant chaque jour quelques heures de liberté, se délassait des essais comparatifs des différents focs à diverses allures, en applaudissant à des exploits de sauts à la perche, de lancement de javelot et en prenant part à l'enthousiasme de la foule saluant l'arrivée du vainqueur du marathon.
Mais il ne s'agissait pas d'oublier le but final ! Nous avions, en effet, à nous rendre à Nynashamm, petite localité à une cinquantaine de milles au sud de Stockholm.Un remorqueur fut affrété et le 16 juillet nous admirions ce splendide archipel dans la partie qui s'étend de Stockholm à Nynas : navigation extrêmement amusante, tantôt dans des défilés si étroits que l'on doit diminuer la vitesse, tantôt à travers de vastes étendues qui forment des lacs de plusieurs miles de diamètre ; Les rives de ces îles, petites ou grandes, généralement verdoyantes, sont égayées de jolies maisons de campagne dont les habitants saluent au passage.
L'équipage et l'architecte. Source Jean-Pierre Beneytou
Nous voici à Nynas, trois jours nous séparent de la première course et il n'y a pas encore foule. On achève les préparatifs destinés à réserver une place d'amarrage ou de mouillage à chacun des 144 yachts inscrits.
Dès le lendemain nous faisons une première sortie sur le parcours dont les marques sont déjà en place. La confiance règne à bord : MAC-MICH paraît s'accommoder fort bien des eaux de la Baltique.
C'est maintenant chaque jour une arrivée continuelle de yachts de différentes classes et de diverses nationalités.
Un beau soir, les flottilles russes et finlandaises, qui viennent de traverser la Baltique, font une imposante arrivée.

Vendredi 19 juillet
Au matin, veille du grand jour, arrive le troisième équipier, Jacques THUBÉ, légèrement ahuri par le trajet direct de Paris à Nynas, il a de plus un oeil poché : C'est la faute paraît-il, aux poussières de chemin de fer !!! Un blâme, tout de même, à l'ami Gustave DEVERRE, président du jury du Sport Nautique de l'Ouest, qui l'accompagnait et qui doit remplir les fonctions de soigneur de l'équipage.
Nous faisons connaissance avec Monsieur C.T, désigné par le K.S.S.S. pour assister les Français : très aimable attention et fort utile, car ce n'est plus Stockholm et, ici, il est pratiquement impossible de se faire comprendre dans une autre langue que le suédois.
Une vaste enveloppe d'allure diplomatique nous est remise. Elle contient les invitations aux diverses réceptions qui commencent, les plans des stades de Nynas et de Sandhamm, les plans de parcours des différentes courses, les instructions, start programme, la liste des engagements, etc. C'est imposant ! La parfaite clarté de tous ces renseignements fait honneur aux qualités d'organisateurs des dirigeants du K.S.S.S. Le fait est que, après s'en être bien imbibé, il devient inutile de réclamer des suppléments d'explication. Tout est prévu, même les parcours en cas de tempête, avec plans de parcours et cartes à l'appui.
Le soir, à six heures, grand pavois. La vue de la rade entièrement couverte par cette multitude de yachts, tous à leur place et pavoisés, dans cette belle lumière bleue qui ne veut pas finir (on lit jusqu'à 10 heures), est un spectacle inoubliable. Cette splendide assemblée constitue déjà un succès de bon augure pour les organisateurs.
A 8 heures du soir, le K.S.S.S. convie les yachtmen à une "réception partie" dans les salles du Badalstalden auxquelles on avait adjoint une vaste construction en bois, édifiée pour la circonstance, et d'une décoration fort pittoresque. Réception pleine de cordialité et d'entrain. Conversations animées sur les magnifiques pelouses du parc.
Le 6 mJI nantais Mac-Mich, médaille d'or aux Jeux de 1912. Mac-Mich gagne également la One Ton Cup
Samedi 20 juillet
La Finlande a été bien bruyante dans la chambre voisine... A moins que ce soit la Norvège.
Temps splendide, vent E.N.E. ; jolie brise. Dès 9 heures, la rade se couvre de voiles blanches. Sauf de très rares exceptions, les 144 yachts engagés, tant dans les olympiades que dans les courses générales, se rendent vers la ligne située à environs 2 miles pour prendre les 9 départs échelonnés de 11 heures à 12 heures 55.
Notre départ est à 11 heures 45. Arrivés parmi les premiers sur la ligne, nous faisons connaissance peu à peu avec nos concurrents. KERSTIN et SASS, représentent la Suède ; FINN II la Finlande ; SONJA III la Norvège ; NURDUG II, dont la surface de voilure a été augmentée depuis Kiel, représente le Danemark.
Le bateau de la commission hisse le pavillon bleu. La course est donc "contre le soleil", comme disent les instructions. Les 6 mètres effectuent un bon départ, en paquet, au largue, avec ballon. C'est un long parcours à cette allure jusqu'au pavillon bleu. Peu de différence entre les concurrents. MAC-MICH reste dans le peloton de tête et vire 3 longueurs derrière NURDUG, qui semble plus rapide au grand largue. De bleu à jaune, louvoyage.
Tout de suite nous semons les autres et la lutte se dessine avec NURDUG qui, bâbord amures, commet l'imprudence de couper MAC-MICH, tribord amures, dont le bout dehors passe à frôler l'extrémité de sa bôme. Véhémentes protestations des équipiers de MAC-MICH contre son patron à qui ils reprochent d'avoir laissé porter, complaisance absolument déplacée dans une course de cette importance et, comme il n'en convient pas, il est copieusement rabroué. NURDUG vire aussitôt.
Cependant MAC-MICH se dégage et vire la marque jaune avec 20 secondes d'avance. De jaune à rouge, grand largue permettant l'emploi du spinnaker sur tribord. NURDUG lofe ; nous l'imitons et nous voici bientôt engagés dans un "luffing-match" qui nous entraîne loin de la route. Mais NURDUG réellement rapide aux allures portantes, nous passe sous le vent. Il est temps pour l'un et l'autre de reprendre la route droite, car, à ce petit jeu, nos concurrents qui étaient fort loin se sont sérieusement rapprochés. De la marque rouge à la ligne d'arrivée, c'est du petit largue et il n'y a plus de chance de regagner notre retard. NURDUG coupe le premier ; 39 secondes devant MAC-MICH, SASS étant troisième.
Plein d'espoir, l'équipage jure de prendre le lendemain une revanche éclatante. MAC-MICH est immédiatement conduit devant le slip pour un rapide nettoyage. Nous débarquons il est 4 heures : embarqués depuis 9 heures, la faim se fait légitimement sentir.
Dimanche 21 juillet
Même temps admirable. Un grand nombre de S/S d'excursion sont arrivés, bondés de voyageurs ; ils portent tous le grand pavois et ajoutent encore à l'animation de la rade. Comme la veille, jolie petite brise E.NE. Même course.
Nous partons tous, largue, bord à bord à l'extrémité de la ligne au vent. Très joli départ sans doute pour les spectateurs, mais un peu excitant pour les équipages : aucun abordage ne se produit. SONJA semble avoir un ou deux mètres d'avance sur MAC-MICH qui passe ensuite. Il y a peut-être un peu plus de vent qu'hier ; avec le ballon on a de l'eau sur le pont. SONJA rétrograde, mais KERSTIN court très vite et nous passe. NURDUG n'y parvient pas. A la bouée bleue, KERSTIN a trois ou quatre longueurs d'avance. NURDUG nous suit immédiatement. Au louvoyage nous avons vite fait de régler KESTIN et continuons dès lors sans être inquiétés. Nous virons la bouée jaune avec 1 minute 30 secondes d'avance sur NURDUG que talonne KERSTIN.
Au vent arrière, vers la bouée rouge, nous accentuons encore un peu notre avance. Sauf imprévu, nous avons course gagnée. Nous prenons alors un grand intérêt à la lutte de NURDUG et de KERSTIN. Les Jeux Olympiques se courent, en effet, en deux épreuves. A chacune d'elle, il est attribué 7 points au premier, 3 points au second, 1 point au troisième. Si deux yachts ont à la fin de la seconde course le même nombre de points, ils doivent courir une troisième manche décisive.
Or seconds hier avec 3 points, nous allons avoir, si nous sommes premiers aujourd'hui, total de 10 points. Si NURDUG arrive second aujourd'hui nous serons à égalité et devrons recourir. Au contraire, si battu par KERSTIN il est troisième, il n'aura que 8 points et nous sommes vainqueurs.
Mais KERSTIN ne parvient pas à passer NURDUG que nous battons de 2 minutes 23 secondes. KERSTIN est 37 secondes derrière NURDUG. De même que SASS et KERSTIN les deux représentants suédois doivent lutter entre eux pour le troisième prix.
A 6 heures du soir pavoisement général. Les premiers prix sont acquis dans les trois autres séries.
Dans les 12 mètres, MADGA IX, norvégien a montré sa supériorité sur les suédois.
Le 10 mètre suédois KITY a gagné facilement.
Dans les 8 mètres le norvégien TAIFUN a battu un lot de très bons bateaux, suédois, finlandais et russes.
Devant le club, deux pavillons norvégiens et un pavillon suédois flottent ce soir, en tête des mâts réservés aux 12, 10 et 8 mètres. Le quatrième mât attend le résultat de l'épreuve décisive des 6 mètres.
Lundi 22 juillet
C'est jour de repos ... Sauf pour nous et pour les quelques yachts qui se trouvent dans le même cas. Ciel toujours bleu, vent E.NE., même course.
Arrivés sur la ligne, les équipiers demandent l'heure au patron. Nous sommes une bonne heure en avance ! Ils s'indignent d'autant plus que, pareille chose étant arrivée les deux jours précédents, ils avaient décidé de n'appareiller aujourd'hui qu'avec une marge de temps raisonnable. Le patron a dû les mettre dedans ; ils n'ont pas tout à fait tort ! ...
Tout arrive... Même l'heure du départ, les deux concurrents coupent pratiquement à la seconde : NURDUG près de l'extrémité au vent, MAC-MICH à 100 mètres environ sous le vent.
Notre vitesse semble exactement la même, si bien qu'un mile plus loin nous nous trouvons bord à bord et entamons un luffing-match qui, par ses péripéties et ses brusques changements de route, procure aux équipages un exercice olympique tout à fait de circonstance, à la grande joie d'ailleurs, des spectateurs.
Ceci nous mène quelque peu au vent de la marque rouge, sous le vent de laquelle il faut passer : on l'avait un peu oubliée dans l'ardeur de la lutte. NURDUG qui est collé à notre bord au vent nous la montre : nous laissons tous deux porter. Mais c'est, alors, du vent arrière pour la retrouver. Bien que la distance soit courte, vite on envoie le spinnaker sur les deux bateaux.
Nous arrivons dessus, NURDUG une demi-longueur devant et au vent. Mais nous apercevons alors, à une cinquantaine de mètre sous le vent à nous, une balise rouge que les instructions ordonnent d'observer et à laquelle nous ne pensions plus. Amène le spinnaker et empanne. Nous nous dirigeons vers cette balise. NURDUG ne nous suit pas.
Nous la virons et reprenons notre route normale. NURDUG qui a viré seulement le pavillon rouge et dont nous avons appelé l'attention par des vociférations, nous explique par signes que cette balise n'est pas obligatoire et nous montre le pavillon rouge, seule marque à son avis. Moment d'émoi à bord de MAC-MICH, l'équipage se précipite sur les instructions.
C'est nous qui avons raison. NURDUG est donc disqualifié et nous sommes dès maintenant vainqueurs, puisque NURDUG persiste dans son erreur. Mais nous voulons avoir la victoire complète et partons à la poursuite de notre concurrent à qui ses manoeuvres ont donné une centaine de mètres d'avance. Nous gagnons légèrement et au pavillon bleu nous avons diminué l'écart qui nous sépare. Louvoyage de bleu à jaune. NURDUG borde et reste bâbord amures. Quand nous passons nous virons aussitôt à tribord amures. NURDUG nous imite et se trouve à notre vent légèrement en arrière. Assez rapidement MAC-MICH s'élève et NURDUG tombe sous le vent. Au bout de quelques instants, il est dans nos eaux à deux longueurs derrière. Le clapotis avec la brise plus molle ne semble pas lui convenir. Il vire ; nous faisons de même et nous nous trouvons au vent. Nous prenons une petite avance. L'équipage du NURDUG donne des signes de démoralisation et opère un changement de foc, modification qui paraît d'ailleurs heureuse. MAC-MICH augmente cependant régulièrement son avance qu'il porte à près de 3 minutes, au pavillon jaune.
Le parcours s'achève aux mêmes allures que les jours précédents et MAC-MICH coupe la ligne avec 2 minutes 53 secondes d'avance, gagnant la médaille d'or olympique, salué par les acclamations des passagers des S/S d'excursion.
Notre ami suédois T qui est avec Gustave DEVERRE a bord du SAGA, n'est pas le dernier à applaudir à la victoire du yacht français !
Dans la semaine qui suivit eurent lieu d'autres régates. MAC-MICH gagne le prix d'honneur et la coupe du Jubilé.
Le samedi 27 juillet après la dernière régate de la matinée nous nous retrouvons à la brillante garden-party offerte, dans leur parc, par le prince Guillaume et la Princesse Marie, qui veulent bien nous féliciter des succès de MAC-MICH.
A 7 heures, à Hasselbacken, a lieu la distribution des prix, sous la présidence du Prince et de la Princesse Marie qui remet, elle-même, les coupes aux gagnants. Nombreuse et sélect assistance. Le Baron Pierre de Coubertin, Président du Comité International Olympique, est présent. On fête les vainqueurs et des acclamations chaleureuses accompagnent la remise qui est faite à MAC-MICH des médailles olympiques, avec la coupe du gouvernement de la République, de la coupe du Jubilé et des différents autres prix. Un grand banquet suit immédiatement la distribution des prix et clôture, en même temps que cette semaine de régates, les jeux olympiques de Stockholm.
Gaston THUBÉ - Cahiers des Salorges n° 14
Cette photographie a été publiée par Kristina Reincke. Nous sommes en 1912 pendant les Jeux et Mac Mich est au mouillage à Nynäshamn. On y voit que le génois est monté sur un enrouleur ... alors que ce système était plutôt réputé pour abimer les performances de cap.
